Abstract/Life

Dans notre manière de lire (et de classer) les œuvres d'art, nous avons souvent l’habitude de distinguer celles qui sont abstraites de celles qui sont figuratives. Pourtant, en écoutant Abstract, la partition que Bruno Mantovani a composée pour son nouveau ballet, Jean-Christophe Maillot a senti que cette musique conceptuelle générait plus d'images que son intitulé ne le laissait supposer. "La musique ne peut pas ne pas déclencher d’émotions chez moi, même s’il s’agit d’une musique contemporaine complexe. La musique représente pour moi l’art absolu. Bien qu’invisible et insaisissable, elle est toujours liée à une perception du monde qui génère des émotions et donc du mouvement."

La musique de Bruno Mantovani est généreuse. Elle contient de la vie, beaucoup même... D’où la volonté de Jean-Christophe Maillot de prolonger le titre de l’œuvre que le compositeur a créée pour lui. En nommant son ballet Abstract/Life, le chorégraphe nous met en garde : "Je suis souvent étonné du décalage qu’il y a entre notre perception des choses et ce qu’elles sont réellement. Par exemple, lorsque vous regardez des gens dans la rue, vous imaginez leurs vies, leurs joies, leurs peines... Vous pensez les comprendre parce qu’ils vous ressemblent. Pourtant, il n’y a rien de plus abstrait et indéchiffrable qu’une foule dans un lieu public. La vie défile devant vous et la pensée n’a finalement pas grand- chose à en dire."

Ayant fait ce constat, Jean-Christophe Maillot a décidé de faire bouger les paramètres qui règlent d’ordinaire sa manière de travailler. Habituellement, c’est l’écoute de la musique qui le guide dans sa recherche de nouveaux pas. Mais pour Abstract/Life, le chorégraphe a suspendu ce processus. "Je me suis assis face aux danseurs, avec cette musique qui nous enveloppait, et plutôt que de me lever et improviser avec eux des mouvements dans le studio, j’ai puisé dans ma banque de mouvements. Je me suis livré à un travail minutieux d’écriture chorégraphique à partir de ce vocabulaire que j’ai élaboré en trente ans". Comme un sculpteur qui fait apparaître sous ses doigts les formes qui caractérisent son œuvre, Jean-Christophe Maillot a créé une chorégraphie, non plus issue directement de la musique mais interrogeant celle-ci, dialoguant avec elle. Ensemble elles donnent naissance au mouvement... à la vie.

Chorégraphie : Jean-Christophe Maillot
Musique : Abstract, Bruno Mantovani. Création-commande du festival Printemps des Arts de Monte-Carlo
Interprété par L’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo Direction - Pascal Rophé, Violoncelliste - Marc Coppey
Chorégraphes assistants : Bernice Coppieters, Gaëtan Morlotti
Scénographie et Costumes : Aimée Moreni
Lumières : Dominique Drillot
Durée : 48 mn

Première par Les Ballets de Monte-Carlo, le 26 avril 2018, Grimaldi Forum Monaco